Vendredi 23 mars par Yannick
Ce matin nous avons eu la visite de dauphins qui nous ont accompagnés
quelques délicieuses minutes. Ces animaux sont particulièrement charmants,
ils viennent jouer devant l'étrave et semblent vouloir communiquer avec
nous. Ils communiquent d'ailleurs. Ils semblent même très proches de nous,
les humains.
Dans l'après-midi un dauphin est venu, seul. C'était Jacques, mon grand
Jacques de Cherbourg. Il est remonté à la surface, m'a fait un clin puis
il est parti :"Tout va bien ici Yan, canal VHF 69 !". Il me manque...
Toujours beaucoup de vent ici. Le Spi s'est déchiré, vent arrière alors
que nous étions stables et que nous glissions à 12-14 noeuds. Il est mort
de sa belle mort. Tout le monde sur le pont pour le ramener, ce qui fût
fait en quelques secondes. Nous avons tangonné le spi assymétrique, une
première pour moi. Le vent est monté à 30 noeuds alors nous avons affalé
puis essayé de tangonner le génois afin de faire une route plus vent
arrière. Sans succès, le tangon est vraiment trop long. Encore des idées
lumineuses de Franck, il veut tout tangonner maintenant, et ça marche !
Ce soir nous avons mis le moteur pour rester manoeuvrant lors de
l'affalage de la grand-voile avant coureur d'une nuit un peu plus calme.
Le génois, seul, accueillera les 30 noeuds de vent qui nous tombent dessus
en ce moment. J'ai senti une odeur bizarre de brûlé provenant du moteur.
J'ai alerté les frères chignoles qui ont repoussé dédaigneusement mes
doutes d'un revers de la main. Comme si je n'y comprenais rien à la
chignole, la vraie, et qu'il fallait que je m'occupe de mes affaires de
saltimbanque éclairé. Quelques minutes plus tard, le moteur crachait une
énorme fumée. Branle-bas de combat, on m'envoyait puiser des seaux pour
éteindre l'éventuel feu, pendant qu'on allait ouvrir le moteur et analyser
le problème.. J'en ris encore, c'est ce que j'appelle la revanche de la
médaille (fausse expression détournée que j'aime beaucoup), hihihi !
Par contre nous n'avons plus de courroie et l'alternateur ne fonctionne
plus. La tuile. J'ai proposé de remplacer la courroie par le slip que
Franck porte fièrement depuis 3 semaines. En effet, son élasticité
d'origine et sa rigidité de circonstance auraient fait un alliage parfait.
Ils ont finalement remplacé la courroie par un bout mais rien à faire pour
l'alternateur. Ici c'est la consternation, celle du premier échec essuyé
après plus de 20 jours auréolés de victoires. La pilule est amère. Les
frères chignoles s'en sont allés ruminer leur défaite, chacun de leur
côté, dépités.
Wilfrid, l'oiseau noir qui vient nous souhaiter bonne nuit chaque jour
n'est pas venu ce soir. J'espère qu'il va bien. Il est vrai que nous
approchons des côtes et que nous avons la visites de petits oiseaux
chasseurs, ce qui ne nous laisse pas indifférents.