La Traversée de l\'Atlantique à l\'envers

Texte de Yannick

J'ai oublié de parler des poisson-volants lors de mon dernier message. Ils
ont animé nos soirées par leur sortie de l'eau impromptue et leur vol sur
10-20 mètres. Un poisson qui vole c'est tout de même antinomique et
étrange. Leurs petites ailes battent extremement rapidement ce qui, je
pense, leur demande beaucoup d'énergie. C'est la raison pour laquelle ils
ne volent pas haut ni très loin. On ne les voit plus ces derniers jours,
j'espère qu'on les reverra.

Ce satané soleil trouve toujours quelques centimètres carrés de ma peau
rose à piquer tout rouge. Il arrive tous les jours à trouver une faille,
malgré un arnachement vestimentaire impressionnant, dont des gants
blancs...à faire peur aux poissons. Thierry m'a surnommé le Michael
Jackson de l'Alantique. J'ai du mal à trouver ma place sur le bateau. A
l'intérieur, le mal de mer, et à l'extérieur c'est le grill qui m'attend.
Parfois je passe plusieurs heures sous la baume de la grand voile, à
squatter la seule ombre disponible pendant que les deux autres dorment à
l'intérieur.

"Fiiiiiiiiiizzzzzzzzzzzz", encore. Contre toutes les "lois de la pêche", à
midi, au moteur, le moulinet a encore hurlé. Franck se précipite sur la
canne et annonce un petit poisson. J'attrape mon appareil photo et
Thierry, qui dormait dans la banette, se saisit de l'épuisette, de rigueur
pour un petit poisson. Ledit poisson, mouliné à quelques mètres du bateau,
s'avère être bien plus imposant qu'annoncé. Thierry attrape le bout de la
ligne et réussit à emmener le poisson à l'intérieur du bateau. Il s'agit
d'une énorme daurade coryphène de près de 1,50 mètres (5-6 kilos), qui
vient de tordre l'hameçon, de se décrocher et de se diriger vers la
sortie. L'appareil photo d'une main, j'essaye de la retenir dans le bateau
de l'autre, sous les yeux médusés de Thierry et de Franck accroché à la
canne. Impossible de la retenir, sa force est telle que la daurade me
repousse et réussit à plonger à l'eau en se tortillant. Il ne nous restera
que les photos et un petit film de ce magnifique et imposant poisson bleu.
Il était tellement beau que nous avons été heureux de le voir partir.

On voit encore des oiseaux alors que la première côte doit se trouver à
400 miles maintenant. Je me demande ou est leur nid et s'il vivent et
dorment uniquement dans l'air.Il me semble me souvenir que dans
l'excellent livre d'Alain Bombard (naufragé volontaire), il existe des
oiseaux, au milieu de l'atlantique, qui vivent uniquement dans les airs.
Je me demande alors ou ils pondent leurs oeufs.

Franck a trouvé en Thierry le compagnon de traversée idéal. En effet, dès
que l'un aperçoit un bout de ficelle dépasser, les yeux mouillés,
avant-coureurs d'un bonheur très proche, il appelle l'autre qui rapplique
immédiatement avec une pince dans la main et une perceuse dans l'autre.
Tous deux s'accroupissent alors autour de la victime qui sait déjà qu'elle
est condamnée et qu'elle va passer un sale quart d'heure avant de
disparaître. Franck la tient fermement avec sa pince et crack, Thierry lui
assène un coup de chignole particulièrement précis. Tous les deux se
regardent ensuite avec les yeux du travail bien fait, ils sont heureux.

Lundi 12 mars, comme on dit chez nous. J'ai eu un mal fou à retrouver la
date et le jour tellement ici, ces données ne sont d'aucun intérêt. Même
l'heure, on se raccroche vaguement à l'heure de la Martinique mais pour
quoi faire ?
Ce lundi donc, il n'y avait rien à raconter lorsque, vers la fin de la
journée, branle-bas de combat. Les frères chignoles surgissent ensemble du
fond du bateau et se dirigent vers moi, qui suis à la barre. En effet, la
barre, élément primordial du bateau n'est retenue que par 2 petites vis de
1 cm de longueur... Horreur et stupéfaction, ces 2 fvis viennent de sauter
et la barre menace désormais de se décrocher. Ils ont donc accouru à mes
cris, les deux compères. Thierry, les yeux mouillés à l'idée de chignoler
un  machin. Franck, la bave à la commissure des lèvres en pensant à quel
problème insoluble il va pouvoir résoudre. Mais là c'est du sérieux et pas
question de rigoler. Double pentium Franck a vite analysé la situation et
donné les consignes. Je m'accrocherai à la barre en tentant de ralentir le
bateau tout en restant manoeuvrant.
Thierry a déjà rechignolé les 2 trous et Franck recherche des nouvelles
vis, qu'ils essayent déjà sur la barre. 9mm de trop, il va falloir les
scier. Ils retournent donc dans le bateau, "bong", "zing", "sssssssss".
Voilà Thierry de retour avec vis et boulons qui vont resserrer la barre
traversée de part en part quelques minutes plus tôt. Franck a trouvé les
rondelles qui achèveront leur oeuvre, sur la banette dans laquelle j'ai
l'habitude de dormir. C'est fait, une demie heure pus tard la barre est
sécurisée et je regarde mes deux héros avec un air de reconnaissance. Il
était temps car le vent se lève et nous allons passer une sale nuit,
notamment avec la perte des lunettes de Franck.
Nul doute que ses deux là vont monter une menuiserie ou autre
quincaillerie sur Annecy à notre retour. Je prendrai des parts !

Mardi 13 mars, donc.Cette date n'a aucun intérêt ici. Mince, bien sûr que
si, c'est l'anniversaire de Franck ! Sylvie m'avait prévenu quelques mois
plus tôt mais je l'ai oublié.
Pour fêter ça, on mangera un confit de canard accompagné d'un petit rhum !

Ces algues vert-jaunes sont toujours là, depuis la Martinique, elles nous
observent ezt prennent un malin plaisir à s'accrocher à nos hameçons et au
saffran. Ce n'est pas grave, cela fait de la compagnie. J'ai l'impression
qu'elles vivent sur l'eau, comme ça dans l'océan. Je n'en ai jamais
entendu parler, j'irai me renseigner à notre retour.

Nous n'avons pas pêché ces derniers jours et ce n'est pas la faute des
algues. Nous avons loupé 4 poissons, qui se sont décrochés plus ou moins
près du bateau, dont un énorme selon Franck. Nous analysons l'ardillon de
nos hameçons à l'heure qu'il est, nul doute qu'ils seront bientôt
rechignolés.

(°+K Yannick



14/03/2012
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