La Traversée de l\'Atlantique à l\'envers

"Premiers jours" écrit par Yannick



Difficile ici de savoir quel jour on est mais nous avons compté les jours
depuis notre départ et il est dimanche aujourd'hui c'est sûr. Hier nous
avons reçu un douloureux message de Nicole nous apprenant que notre équipe
avait perdu à domicile contre Perpignan...et contre toute attente, alors
Thierry et moi avons accusé le coup quelques secondes, vite estompées par
les choses fantastiques qu'il se passe ici, au milieu de l'océan, qui nous
permettent de tout relativiser. Nous avons donc quitté Point à Pitre
mercredi matin, après avoir fait le plein d'énergie et de mental. Mais
aussi le plein de 4 jerricans de 20 litres de gasoil. 80 litres de
carburant amarés à l'arrière du bateau en cas de pétole, qui pourraient
nous faire gagner un ou deux jours.
A la demande expresse, aux ordres donc, de Franck, nous sommes passés
devanrt St François de Guadeloupe, ou il a passé quelques mois en
entrainement avec l'équipe de France de planche à voile au siècle
dernier... Dès qu'il a aperçu le l'hotel Méridien, inutile de vous dire
qu'un flot de souvenirs l'ont submergé. Il nous a fait part de quelques
anecdotes dont nous avons dû oublier certaines, il a insisté...Visiblement
d'autres souvenirs lui sont remontés qu'il ne nous a pas livrés, sinon une
certaine virée à Marie Galante, chevauchant seul sa planche à voile, sans
harnais, à la force des bras, les cheveux dans le vent...

Il était temps de prendre, enfin, le chemin des Açores, prochaine et
ultime étape avant notre arrivée en France. Nous passons la pointe des
Chateaux, non sans difficulté, devant croiser un cargo énorme sur notre
route qui se déroutera finalement après quelques échanges de lumières.
Nous retrouvons notre Nord-Est établi à 20 noeuds avec des grains à 25 et
cette double houle Nord et Est avec des creux de 3,5m. Assez insupportable
mais que finalement nous allons accepter. Premier quart de Franck puis
nous reprenons le flambeau avec Thierry pour laisser dormir le chef. De
toute façon je suis incapable de rester dans le bateau sans qu'une
irrésistible envie de vomir me monte à la gorge. Donc, dehors, à l'air me
convient bien, malgré les seaux d'eau.ue nous balance la mer. Elle semble
nous dire que nous n'avons rien à faire ici, que ce n'est pas notre
endroit, et que nous ferions mieux de rentrer chez nous au chaud, dans un
bon lit. Oui, je crois vraiment qu'elle a raison mais nous avons choisi de
faire cette traversée alors nous irons contre son avis. Nuit vraiment
difficile et le lendemain matin, jeudi donc, même scénario. Le jour est
encore plus difficile car le soleil tape sur notre peau blanche et fine.
Je suis désormais avec un pantalon et un sweat shirt, des gants, une
casquette et un chiffon blanc qui couvre mon cou... Rien à faire, la crême
anti-soleil indice 50 est une blague ici, aucun intérêt même si on en met
toutes les 10 minutes. Franck est protégé par son hâle bronzé, acquis au
Chili quelques jours plus tôt. Le soir je me retrouve seul au quart, et je
m'allonge, pour la première fois. Toujours les mêmes conditions terribles.
Je regarde les nuages cavaler à toute vitesse, j'ai réglé le pilote auto
pour suivre un cap. Le vent étant régulier dans sa furie...De temps en
temps, la lune fait son apparition, comme pour voir si je vais bien. Ca
va, ok, elle retourne s'assoupir sur un nuage. Les nuages ont des formes
disctinctes. Là un dragon, ici un nounours, un lutin... Ces deux premiers
jours ont été un combat contre la mer, nous n'avons pu faire rien d'autre
que se chauffer un plat de pâtes à la va-vite, boire pisser, et dormir à
moitié dans le bateau, la tête qui tape comme le bateau tape les vagues.

Vendredi enfin, on va commencer à vivoter. Le vent s'est un peu calmé et
nous avons réussi à dompter notre fauve. Vers quatre heures, le jour se
lève et Thierry met un petit poulpe violet au bout de la canne. Vers 9H30,
heure de Martinique, puisque nous ne savons pas vraiment quelle heure il
est sur notre région océanique car nous nous déplaçons vite (7-8 noeuds au
près pour l'instant). Donc vers 9H30, un sifflement du moulinet nous
annonce l'arrivée du futur repas. En effet, il ne lui faut pas plus que
quelques minutes pour remonter à bord, une magnifique daurade coryphène,
telle que la photo du blog. Daurade que nous mangerons en filets et en
carpaccio, car enfin, nous pouvons un peu cuisiner.Thierry m'avait souvent
raconté la pêche au bar qu'il pratiquait avec ses potes parigots, Bernard
et Gérard, à coup de mirabelle et autres produits illicites. Je les voyais
plutôt au bar, pêcher la greluche ou autre poisson carnivore... Il nous a
montré là toute sa science de la pêche. De l'art du noeud, jusqu'à la
cuisson du poisson. En passant par la remontée au moulinet, le maniement
de l'épuisette, la pose-photo, le dépeçage et découpe en filet etc... Tout
un art.

Samedi même heure, c'est Franck, the boss, qui remonte un magnifique
poisson d'un mètre et environ 4kg, que nous avons appelé Barracouthon pour
sa ressemblance au Barracuda et à son goût de thon. Ensuite, nous avons
arrêté le bateau quelques heures afin de réparer la voie d'eau sur le
capot avant du bateau, un capot peu étanche qui nous a fait jeter tout le
riz ainsi que d'autres victuailles. Mac Gyver Thierry et Big Boss Franck
ont résolu le problème à coup d'acétone, de perceuse, de pompe, d'éponge
et de seaux.
Pas mal de matos technique de chef-Franck sont également hors d'usage, un
sale coup. La pêche va peut-être nous empêcher de manquer de nourriture
sur la fin du voyage. Sergent-chef Franck nous fait comprendre qu'il
faudrait se laver...Ce que nous faisons, aux ordres. A poil devant un seau
d'eau et un savon de Marseille, nous nous jetons "à l'eau" et faisons un
peu de toilette. Franck nous dira plus tard qu'il était content de nous
voir nous laver, ce qui nous mit de suite la puce à l'oreille...;o)

Finalement nous repartons et ça m'a pris quelques heures pour faire du
pain, dans le petit four à gaz, qui agrémentera notre repas du soir
composé de darnes du Barracouthon. Le vent faiblissant, les deux compères
en profitent pour prendre un bain au milieu de l'océan pendant que je
reste sur le bateau. Il ont fait les dauphins, accrochés au bout rose que
Franck avait fixé à l'arrière du bateau. Franck nous explique que c'est le
bout avec lequel il a fait 2eme du championnat d'Europe de Tornado. Un
bout rose, tiens tiens...Je ne manque pas l'occasion de lui demander si ce
championnat se passait à Mykonos, pas de réponse.
La nuit a été plutôt tranquille, le vent faiblissant de plus en plus. J'ai
pu prendre des photos du coucher de soleil absolument somptueux.

Petite brise ce matin dimanche, qui nous permet enfin de se relaxer et de
comtempler la mer, magnifique. Franck se lève tout à coup et saute dans la
cabine pour attrapper sa caméra en hurlant d'un cri étouffé "dauphins,
dauphins". J'ai la chair de poule en écrivant ces lignes. Une petite
famille de dauphins suivait maintenant le bateau sur le côté droit. le
temps de sortir caméra et appareil photo, faire 2 clichés ils étaient
partis. Ils revenaient quelques minutes plus tard,  nous pouvions entendre
leur souffle, et se calèrent devant l'étrave pendant de longues et
magiques minutes. Thierry, toujours prévenant, retire vite la ligne de
pêche de peur d'en accrocher un.
Le temps de faire connaissance et autres films et clichés.Ils venaient
nous féliciter d'avoir tenu bon et nous souhaiter bonne route :"oui c"est
par là, continuez, bon voyage". Puis ils sont partis, en représentant à
eux seuls, mille fois le retour sur les difficiles premiers jours. Yannick



12/03/2012
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