La Traversée de l\'Atlantique à l\'envers

De Yannick

Merci à tous pour vos réponses à nos interrogations, quelques retours de
courriels, comme ils disent sur Inter :

De Sylvie : Le barracouthon
Le thazard noir, Acanthocybium solandri, est un poisson aussi connu sous
les noms de Thazard raité, Thazard-bâtard ou bien encore Thon banane. Dans
les pays anglophones il est connu sous le nom de Wahoo. Il peut mesurer
jusqu'à 2,50 mètres de longueur pour un maximum de 83 kilogrammes. Cette
espèce se nourrit de petits poissons et de céphalopodes.

De Pascal :
je vois que Yannick a de l'humour et des dons pour l'écriture...
Ils ont du rhum mais le mieux pour éviter le mal de mer c'est un bon vin
rouge bien tannique.
Il n'y a pas un marin breton qui ne prenne la mer sans avoir bu un verre
de vin.
C'est ce que l'on m'avait appris quand j'étais dans la Royale à Brest.

De Nicole :
Sans doute les algues sont des Sargasses, les Caraïbes en étaient
littéralement envahies l'an dernier...

De Jean Paul, l'aimable propriétaire du bateau :
Bonjour  Franck, Yannick et thierry,
fuite : pour être tranquille n'hésite pas à condamner les 2 tuyaux bleus
et à fermer les 2 trous où ils passent.
Tu as en effet plutôt raison de monter au nord car  le vent va tourner
progressivement à l'est en faiblissant un peu le we. C'est seulement au
dessus du 33°n que tu touches du portant avec une dépression et des vents
autour de 20 25nds,
j'espère que vous sentez bien à bord.


En effet, nous allons chercher les vents favorables du Nord, what else ?
Dix jours que nous sommes au près, le vent dans le nez 15-30 noeuds et une
double houle infernale. Autant vous dire que tout ici devient un effort
pénible, ne serait-ce que d'aller pisser. Les conditions dans lesquelles
j'écris ces lignes sont également difficiles.
Les organismes s'en ressentent sauf pour Franck qui semble voler sur
l'eau. La patate et le moral, quoiqu'il arrive, il est véritablement le
moteur et pilier de l'équipage.Ces derniers jours je le surveille d'un
oeil. C'est pas possible il doit prendre des anabolisants ou autre EPO !
Ce type est partout, à la chignole, à la la barre, à la manoeuvre. Il
s'est même mis à faire la vaisselle, la trouvant trop grasse... Il ne perd
jamais le moral, toujours à fond, il distribue les rôles comme Jesus
distribuait les pains et Chuck Norris les mornifles. Il est là lorsqu'il y
a le feu et prend toujours la bonne décision. Cet après midi, il nous a
vivement conseillés d'aller se laver, ce que nous fîmes en rechignant car
la température de l'eau a considérablement diminué depuis que nous faisons
route vers le nord. Mardi 13 c'est son anniversaire et on décide de
marquer le coup. Alors on sort la botte secrète. Le poulpe violet. Jamais
bredouille avec l'animal. C'est moi qui remplace le rapala qui traîne sur
la ligne cet après-midi, et qui ne nous ramène que ces maudites algues qui
tapissent l'océan par endroit. Un poulpe violet en plein océan, qui court
après un bateau à voiles, je comprends que cette situation insolite puisse
exciter la curiosité de certains poissons. Mais de là à s'y jeter dessus à
pleine dents...Personnellement je serais méfiant à l'égard d'un tel
spectacle. Mais notre daurade non, "joyeux anniversaire" hurlons nous en
invitant Franck à attraper la canne car au bout, le poule violet a fait
une nouvelle victime. Franck se saisit de la canne et démarre un combat de
près d'une heure. Il finira par ramener sur le pont une magnifique daurade
coryphene d'environ 1m50 et de plus de 20kg. La trique de Thierry fait son
office et quelques filets seront gardés pour le repas alors que le reste
sera mis en conserves.
Les oiseaux paille-en-queue sont toujours là lorsque nous retirons un
poisson de l'eau. Étrangement ils sont partis lorsque nous rejetons à la
mer la tête de notre victime et autres déchets. Alors que c'est ce moment
qu'ils semblaient attendre, je me demande pourquoi il s'en vont justement
maintenant, alors qu'ils pourraient profiter de notre prise. Poulpe
violet, poisson à manger !

Ce soir là je suis épuisé et vais me coucher très tôt sans manger. Les
frères chignoles me réveillent vers minuit, c'est mon tour de quart. Pas
envie du tout, "là haut ça chauffe" et même si je n'ai pas très bien dormi
dans la "chambre", bousculé dans tous les sens, je rechigne à la quitter
pour aller me prendre des seaux d'eau une bonne partie de la nuit. C'est
un peu comme si on vous disait vas-y mon gars c'est ton tour ! Tu lèves
les yeux et tu vois le ring noyé au milieu d'une foule hilare qui attend
que tu viennes te faire chatouiller les narines par... Oui c'est bien lui,
Mike Tyson en chair et en os, au mieux de sa forme ! Tu distingues, dans
la brume de tes yeux, son sourire carnassier et tu sais que tu vas prendre
sévère, mais qu'il faut tenir jusqu'au prochain quart. Enfin tu montes sur
le ring, jambes tremblantes mais le regard vif, surtout ne pas montrer sa
peur !
27-30 noeuds, voilà ce qui m'attend pendant quelques heures avec cette
houle et des creux de x mètres. Je n'y vois rien, mon amie la lune n'est
pas venue me soutenir et cela ne présage rien de bon. J'essaye de tirer
mon "quart" au maximum, peut-être un peu trop, afin que Franck puisse
dormir
un peu plus tard vers 5H00, vent établi à 27 noeuds avec des rafales, je me
dirige, assis,  vers le pilote auto qui est en train de décrocher pour la
4eme fois. Je suis propulsé, à ce moment précis, de l'autre côté du bateau
par une déferlante, et je m'éclate la tête sur la coque. Après une courte
perte de conscience et complètement sonné, je me retrouve dans les
filières, hurlant à la mort. Franck rapplique immédiatement et me dit de
ramper jusqu'au pont.Il m'aide rapidement et court s'attacher. Plus de
peur que de mal, un gros hématome à la main, un œuf de poule à la tempe et
quelques bleus. Une grosse frayeur il me faudra plusieurs jours pour m'en
remettre, peut-être plusieurs années... La nuit suivante nous décidons de
réduire la voile au maximum et de dormir.

Aujourd'hui les frères chignoles se sont affairés alors que j'ai passé
le plus clair de la journée à retrouver mes esprits, à l'abri dans les
bras de Morphée. Ils ont notamment, semble t-il réparé le pilote auto,
great news ! La présence féminine se fait cruellement sentir ici. Cette nuit
Franck a pêché une magnifique sirène qu'il a relâchée après un temps
d'observation. Je lui ai demandé "pourquoi ?", il m'a répondu : "comment
?"...

Je repense à la lune, délicieuse et apaisante. Moi le citadin je l'ai
toujours négligée, daignant lui porter un regard discret lorsque elle est
pleine, ou rouge, mais sans plus.
Désormais je la vénère, elle m'accompagne la plupart de mes nuits.  Elle
me montre le chemin, m'éclaire car sa lumière est remarquable la nuit.
Quand elle n'est pas là je suis inquiet.

Yannick



16/03/2012
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